Séléné Gallio

Séléné, c’est mon prénom, c’est comme cela qu’on m’appelle. J’ai oublié ce qui s’est passé jadis, plus le temps passe, plus j’ai l’impression de perdre mon identité, le monde a tellement changé en trois millénaires ! Je me rappelle du temps où je souriais, du temps où je riais, du temps où j’étais encore jeune, vive, une jeune femme qui vivait au jour le jour sans se soucier de son avenir. Tout cela changea brutalement au fil des siècles. Un sentiment de haine, d’incompréhension me titillait, pourquoi les personnes autour de moi mourraient-elle et moi pas ?

Je ne suis pas méchante, seuls mes actes pourraient être considérés comme tels. Pensez-vous qu’après trois longs millénaires de jeunesse éternelle, mon seul dessein serait d’avoir la main mise sur le pouvoir ?
Si votre réponse s’avérait être non, il ne vous resterait plus que quelques millénaires à étudier le comportement humain avant d’embrasser le pouvoir. C’est cette notion, la maîtresse de la société d’aujourd’hui, celle qui nous éduque, qui fait avancer notre égo, mais reculer le monde avant de nous tuer. Une seule nuance pour mon cas: je ne peux pas mourir. Ni bien, ni mal n’existent, la paix ne peut être maintenue pour incarner le bien que lorsque par exemple deux pays s’unissent pour faire la guerre à un malheureux troisième.
Si votre réponse pencherait vers le oui, alors vous feriez preuve de malignité à mon égard. Peu sont les gens aux opinions divergents du mien qui eurent le plaisir de rester en vie, un plaisir, oui, si vous préférez appeler ça de la chance, faites-le, vous n’êtes pas encore un de mes instruments… En effet, la vie est un cercle vicieux, on vous teste ! sans que vous le sachiez, on vous surveille, on vous ment: le désir de nuire à l’autre n’a jamais été aussi à la mode à notre époque. C’est assez jouissif de contempler le spectacle qu’est la souffrance d’autrui, c’est là qu’on se rend compte que nous sommes plus forts, plus forts que ces personnes, que ces personnes à la pensée ravagée qui vous supplient de les aider. Mais le meilleur dans tout cela est lorsque vous souriez devant cette personne souffrante en songeant que par le passé c’était elle qui se moquait de vous, elle qui ricanait de vos échecs, elle qui vous tournait le dos lorsque vous aviez des difficultés. Quel sentiment plus agréable que de sentir ce pouvoir monter en vous et prendre possession de votre être, corps et âme. Le pouvoir a laissé sur moi une profonde cicatrice, on dit de moi que je suis machiavélique, dangereuse, alors que c’est faux, c’est lui, le pouvoir qui s’exprime à travers moi, me procurant une longue et heureuse vie.
Je ne suis pas méchante, je suis le pouvoir, c’est un fait, et chaque jour il grandit en moi et il sera un temps où il explosera et vous vivrez l’ascension de votre reine, durant un long règne noir… Qu’est-ce que la vie ? Pourquoi avoir renoncé à la mort ? Je n’ai pas eu le choix, vous savez, après 3000 ans d’existence, ce n’est pas le temps que l’on trouve long, ce n’est pas la mort que l’on attend. Je ne me suis jamais sentie aussi forte, la mort n’oserait jamais venir me chercher, elle sait que c’est mon tour, après trois mille années, c’est mon tour de m’amuser ! Traduisez cela par une jalousie du pouvoir de l’être supérieur, dégénérant vers la violence, la frénésie ou un bien être encourageant à faire le mal si ça vous chante.
Je ne le répèterais jamais assez, je ne suis pas méchante, je suis humaine, non, je suis mutante ! La vie ne m’a pas donné d’autre opportunité, je suis persuadée que j’ai un message à faire passer au monde. D’où vient-il ? Il vient d’aussi loin que remonte ma création, sachez que je vous promets une paix, une vraie paix, pas une paix humaine mais une paix mutante, une paix à laquelle il veut que je réponde. Soyez sans crainte mes frères, cette paix universelle se fera sans les humains, et petit à petit, le monde redeviendra l’immense parcelle de terre sans frontière comme elle était autrefois, votre empire mutant, mon royaume.
Lorsqu’on est condamné à errer, enfermé dans cette petite bille qu’est la Terre, dans l’incapacité de découvrir l’immensité qu’est l’univers, la seule chose à envisager est de prendre le pouvoir, c’est la seule chose qui semble la plus intéressante à voir.